L’illectronisme, ce handicap invisible

Dans nos sociétés toujours plus connectées, on adore parler de « fracture numérique », d' »inclusion digitale »… Mais derrière ces grandes formules, il existe une réalité brutale que l’on préfère souvent ignorer : des millions de personnes sont laissées de côté, parce qu’elles ne savent tout simplement pas utiliser nos outils numériques. Ce phénomène porte un nom que beaucoup trouvent encore trop technique : l’illectronisme.

Et non, il ne touche pas que « les anciens » ou « ceux qui refusent la technologie ».
Il frappe silencieusement partout : jeunes déscolarisés, travailleurs précaires, retraités isolés, migrants en situation d’apprentissage…

Chaque situation de vie peut devenir une barrière infranchissable quand l’accès au numérique est mal accompagné.

Dans cet article, pas de chiffres balancés pour impressionner, ni de discours déconnecté.
Juste une plongée sincère dans ce handicap invisible — et quelques pistes concrètes pour agir, à notre échelle.

L’illectronisme, c’est quoi (vraiment) ?

Le mot semble compliqué, alors qu’en réalité il désigne une difficulté quotidienne toute simple : l’incapacité à utiliser sereinement les outils numériques devenus indispensables.

Illectronisme ≠ analphabétisme.

On peut savoir lire, écrire, être intelligent, débrouillard — et être totalement désemparé face à un menu déroulant, une procédure d’identification en deux étapes, ou une interface bancaire en ligne.

Concrètement, l’illectronisme, c’est :

  • Ne pas comprendre les termes techniques (« navigateur », « connexion sécurisée », « paramètres de confidentialité »…).
  • Éprouver une peur panique à l’idée de faire « une mauvaise manipulation ».
  • Être dépendant d’un proche ou d’un tiers pour effectuer des démarches administratives.
  • Se priver d’opportunités professionnelles ou sociales par crainte de l’outil numérique.

Et il ne s’agit pas d’un petit problème de confort : c’est un facteur massif d’exclusion.
Dans certains pays européens, jusqu’à 1 adulte sur 5 est concerné, directement ou indirectement.

L’illectronisme : Une exclusion qui ne se voit pas… mais qui fait mal

Contrairement à un handicap moteur ou sensoriel, l’illectronisme est invisible.
Il ne se détecte pas au premier regard, et c’est justement ce qui le rend sournois.

Les conséquences sont souvent graves :

  • Isolement social : Ne plus pouvoir suivre les échanges familiaux qui passent désormais par des groupes WhatsApp ou Messenger.
  • Accès aux droits entravé : Renoncer à des aides sociales, faute de réussir à remplir un dossier en ligne.
  • Précarisation économique : Être disqualifié pour un emploi qui exige des compétences numériques minimales.
  • Humiliation quotidienne : Demander de l’aide, se faire regarder de travers, se sentir « bête ».

À l’échelle collective, c’est tout un pan de la population qu’on pousse vers une invisibilisation encore plus marquée.

Témoignage :

« Quand tout est passé en ligne à la CAF, je n’ai plus su comment faire. Je suis allée dans une maison de quartier, et on m’a dit d’aller sur internet… Je suis rentrée chez moi et j’ai pleuré. »

Pourquoi le tout-digital actuel empire les choses

Il y a une ironie cruelle ici : plus nos technologies avancent, plus elles laissent de monde sur le bord du chemin. Et, c’est pas juste.

En quelques exemples :

  • Les démarches administratives « 100 % en ligne » deviennent la norme.
  • Les services publics ferment leurs guichets physiques pour « optimiser les coûts ».
  • Les banques suppriment leurs agences locales pour basculer vers des « applications mobiles intuitives »… qui ne le sont que pour une minorité.
  • Les plateformes numériques imposent des procédures de connexion de plus en plus complexes : authentifications multiples, captcha visuels impossibles à décrypter…

Même les interfaces conçues pour être « modernes » et « ergonomiques » oublient souvent une partie de leur public. Un bon exemple : certaines applications médicales censées simplifier la prise de rendez-vous en ligne finissent par décourager totalement ceux qui auraient le plus besoin de soins.

D’ailleurs, si ce sujet vous interpelle, je vous recommande aussi de lire Senior-friendly ? Pourquoi votre interface fait fuir nos grands-parents, où l’on montre comment même les meilleures intentions en design numérique peuvent aboutir à une exclusion massive.

Moralité : l’illectronisme n’est pas un problème de « fainéants » ou « d’irréductibles technophobes » — c’est un problème d’architecture sociale et technique.

Et si on repensait notre rapport à l’inclusion numérique ?

Face à ce constat, il existe deux attitudes : Se lamenter sur la complexité du monde moderne… ou retrousser ses manches pour changer les choses.

Je vous donne quelques pistes réalistes pour combattre l’illectronisme au quotidien :

1. Former sans infantiliser

L’humiliation est l’ennemie absolue de l’apprentissage.
Beaucoup de formations numériques échouent parce qu’elles sont soit trop techniques, soit trop condescendantes.

Le bon ton ?
Respectueux, encourageant, valorisant.

Exemples de bonnes pratiques :

  • Utiliser des métaphores simples (« Internet, c’est comme une grande bibliothèque »).
  • Progresser à petits pas, avec des exercices concrets (« remplir un formulaire », « envoyer un email »).
  • Célébrer les petites réussites : chaque clic réussi est une victoire.

2. Concevoir des interfaces vraiment inclusives

Le design numérique doit cesser de n’être pensé que pour des utilisateurs déjà experts.

Un bon design inclusif :

  • explique clairement ce qu’il attend de l’utilisateur.
  • anticipe les erreurs possibles et les corrige avec douceur.
  • offre des alternatives : tutoriels en vidéo, supports imprimables, assistance humaine disponible.

Et cela concerne tout le monde — de la startup agile aux géants du service public.

3. Maintenir des alternatives non numériques

Le 100 % numérique ne doit jamais devenir une obligation absolue.

  • Toujours proposer une solution téléphonique.
  • Laisser ouvertes des permanences physiques (même limitées).
  • Prévoir des formulaires papier pour ceux qui préfèrent.

Oui, cela a un coût. Mais ce coût est le prix d’une société réellement inclusive.

4. Multiplier les « médiateurs numériques »

Former un réseau local d’ambassadeurs de l’inclusion numérique est essentiel. Bibliothèques, centres sociaux, écoles : chaque lieu public peut devenir un relais d’accompagnement.

Le médiateur numérique idéal n’est pas juste un technicien. C’est un passeur. Un pont humain entre deux mondes.

Ce qu’il nous faut – Remettre l’humain au centre

L’illectronisme est un handicap d’autant plus cruel qu’il est souvent invisible.
Il ne fait pas de bruit. Il ne demande pas l’aumône. Il souffre en silence.

Face à cela, nous avons le choix :

  • Continuer à avancer tête baissée vers un monde « full digital » pour les seuls initiés.
  • Ou prendre le temps d’ajuster notre marche pour ne laisser personne au bord du chemin.

Inclusion numérique, cela ne veut pas dire forcer tout le monde à devenir technophile.
Cela veut dire respecter les rythmes, accompagner, offrir des choix.

Parce qu’une société qui abandonne ses plus fragiles à l’exclusion n’est pas une société moderne. C’est une société en faillite.

📣 À vous !

Vous avez déjà vu des situations d’illectronisme dans votre entourage ?
Vous êtes impliqué dans des projets d’inclusion numérique ?
Ou vous avez des anecdotes sur des interfaces incompréhensibles qui vous ont donné envie de tout abandonner ?

👉 Partagez tout ça en commentaire.
C’est en racontant, en échangeant, en se relayant que l’on construira un numérique vraiment pour tous.

PS : Si vous voulez, je peux aussi préparer un mini-guide PDF gratuit : « Comment accompagner l’illectronisme dans votre communauté en 5 étapes simples ».
📩 Dites-le moi en commentaire !

James W Fleuriot
James W Fleuriot

Je suis James W. Fleuriot, rédacteur web et consultant SEO, avec une vraie passion pour l’accessibilité numérique. Mon travail ? Aider les entreprises à créer des contenus et des sites web accessibles à tous, en respectant les normes comme le WCAG ou le RGAA. Mon objectif, c’est simple : rendre le web plus clair, plus humain, et surtout plus inclusif.

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